Il était prévu que le célèbre réalisateur William Friedkin apparaisse à la Mostra de Venise pour présenter la première mondiale hors compétition de sa dernière production, une adaptation de la pièce de Herman Wouk de 1954. La cour martiale de la mutinerie de Caine. Malheureusement Friedkin est décédé le 7 août, mais le spectacle continue quand même.
Ce dont Venise a été témoin est un nouveau film solide et sans fioritures que Friedkin avait dit avoir toujours voulu faire. Même s’il ne sera pas au même niveau que certaines des plus grandes réalisations de son réalisateur, comme son film oscarisé La Connexion Française, classique de l’horreur L’Exorciste, ou sous-estimé (du moins à l’époque) et ambitieux Sorcier, cette version qu’il a également adaptée lui-même est un ajout bienvenu à sa filmographie.
Souvent mis en scène à partir de Broadway en 1954 avec Henry Fonda et un casting de stars, le film a connu de nombreuses autres productions théâtrales et télévisuelles au fil des ans, et bien sûr une version cinématographique produite par Stanley Kramer (qui a remporté plusieurs nominations aux Oscars, dont celui du meilleur film), également en 1954, qui utilisait le roman de Wouk de 1951 comme source et était bien plus que le drame que Wouk allait lui-même adapter pour la scène. Dans ce film que j’ai revu récemment, nous voyons les événements se dérouler, mais dans la pièce, c’est presque plus efficace simplement d’entendre ces événements racontés par ceux qui sont impliqués en regardant leur langage corporel.
L’intrigue est bien connue. Barney Greenwald (Jason Clarke) est un avocat chevronné de la Marine très sceptique qui est convaincu, contre son propre jugement, de défendre le lieutenant Steve Maryk (Jake Lacy), un premier officier de la Marine à la flèche droite qui a repris le contrôle de l’USS Caine après avoir lutté contre le contrôle de l’USS Caine. il s’agit du capitaine douteux « sain d’esprit » et intransigeant, le lieutenant Phillip Francis Queeg (Kiefer Sutherland) lors d’une violente tempête. Queeg est en fait le premier témoin majeur, mais alors que le procès avance à un rythme soutenu, c’est Greenwald qui devient l’acteur central alors qu’il remet en question les récits des événements concernant le navire. Était-ce effectivement une « mutinerie », ou aurait-il pu s’agir d’actes de courage sous la contrainte de la part de marins qui estimaient simplement qu’ils avaient de bonnes raisons de ne pas faire confiance à Queeg, erratique et peut-être « instable ».
Dans le nouveau récit de Friedkin sur la pièce, les réponses ne sont pas aussi claires et le réalisateur avait déclaré qu’il voulait que ce soit intentionnel, que la question du bien contre le mal soit un peu plus ambiguë. Friedkin semble plus intéressé à nous laisser décider, peut-être que les choses ne sont pas aussi noires et blanches, et peut-être qu’il y a du bon et du mauvais en chacun de nous. En cela, il réussit magistralement parce que, avec le film de 1954 mettant en vedette Humphrey Bogart dans le rôle de Queeg, dans mon esprit, j’ai toujours cru que le gars était hors de son rocker. En voyant cette version, il est plutôt fascinant de voir où Friedkin dans son téléplay (conçu pour Showtime) met l’accent. Il a même changé le sexe d’un personnage majeur, le procureur John Challee, en une femme interprétée avec conviction et détermination par une belle Monica Raymund. C’est un clin d’œil aux temps changeants dans l’armée, même dans des tribunaux comme celui-ci, et les événements de la pièce dans l’adaptation de Friedkin ne se déroulent plus pendant la Seconde Guerre mondiale, mais plutôt après le 11 septembre. C’est une différence essentielle dans cette version, qui a justement pour effet de montrer la pertinence de cet ouvrage vieux de 70 ans, toujours plus pertinent et provocateur. Le moment est bien choisi pour cette nouvelle version, surtout dans un monde désormais plein de désinformation, de théoriciens du complot, de secrets et de mensonges, et de tentatives de réécriture de l’histoire.
Là où Friedkin marque aussi vraiment, c’est dans son casting. Le Queeg de Sutherland est doux et fascinant à regarder sur le stand, ce n’est pas du tout un rappel de Bogart, mais en fait quelqu’un dont nous pouvons croire qu’il aurait pu être justifié, du moins au début. Nous pouvons également avoir une certaine sympathie pour lui. Sutherland est très bien ici et le casting est parfait, mais les honneurs d’acteur appartiennent finalement à Clarke dans l’une de ses meilleures performances. Il s’agit d’un avocat obligé de défendre quelqu’un en qui il ne croit vraiment pas, et il ramène ce conflit intérieur à la maison avant de vraiment obtenir le coup de poing majeur de la pièce avant le générique de fin. Il laisse le public sous le choc. Lacy joue directement le rôle de Maryk dans un rôle plutôt discret, comparé à d’autres, mais il est authentique et a certainement l’air du rôle. Alors que d’autres acteurs clés sont appelés à la barre des témoins, Lewis Pullman dans le rôle de Keefer, Jay Duplass dans le rôle de Bird et Tom Riley dans le rôle de Keith ont leurs moments. Il est particulièrement poignant de voir le regretté Lance Reddick dans le rôle du juge dans l’un de ses derniers rôles. Il donne au film une réelle gravité et autorité, et d’ailleurs il lui est dédié.
La cinématographie de Michael Grady est nette et assurée, tout comme les mouvements de caméra de Friedkin qui se concentrent juste au bon rythme, mais ne sont jamais statiques. Sans aucune supercherie cinématographique, ni recours à d’autres approches (comme ce qu’a fait Stanley Kramer en tournant constamment sa caméra à 360 degrés autour de la salle d’audience dans Jugement à Nuremberg) Friedkin garde un œil sur le prix qui est le contenu et les dialogues crackers.
La cour martiale de la mutinerie de Caine vers 2023 prouve que Billy Friedkin avait sans aucun doute encore du gibier. Nous devrions être heureux qu’il ait eu la chance de réussir.
Titre: La cour martiale de la mutinerie de Caine
Distributeur: Showtime, Images de la République, Paramount
Réalisateur/Téléplay : William Friedkin
Casting: Kiefer Sutherland, Jason Clarke, Jake Lacy, Monica Raymund, Lewis Pullman, Jay Duplass, Tom Riley, Lance Reddick
Durée : 1 heure et 48 minutes