Quiconque ayant un intérêt plus qu’un passager pour l’étrange et le merveilleux aura vu, voire entendu parler, les images de Patterson-Gimlin, l’équivalent cryptoozologique du film de Zapruder.
Tourné en 1967 dans les forêts du nord de la Californie, le film prétend montrer une grande créature ressemblant à un singe, au front allongé, marchant résolument dans les arbres. Contrairement à un singe, la créature marche debout et, contrairement au comportement furtif de toute autre créature forestière, elle a l’air décontracté de l’être humain moyen qui se rend au 7-Eleven pour prendre un gallon de lait.
La plupart des gens qui voient les images se demandent ce que c’est que cette foutue chose. Mais les frères et sœurs directeurs de Coucher de soleil Sasquatch ont encore quelques questions auxquelles ils aimeraient avoir une réponse. Genre, où va-t-il ? Et ça fait quoi toute la journée ?
Si, comme David et Nathan Zellner, vous avez déjà réfléchi à la vie quotidienne du Sasquatch, alias Bigfoot, alors ce film est fait pour vous, une comédie parfois idiote qui vous entraîne d’une manière ou d’une autre dans son monde étrange et hypnotique. Il convient de mentionner d’emblée que, même s’il met en vedette Jesse Eisenberg et Riley Keough, aucun des deux acteurs n’est vraiment visible de manière appréciable, à moins que vous ne soyez un super fan de l’un ou l’autre et que vous vous concentriez vraiment sur les yeux des créatures.
Mais d’une manière ou d’une autre, les Zellner y sont parvenus, en partant d’un postulat qui aurait si facilement pu devenir Des poubelles dans les boiset livrant à la place une étude chaleureuse et réfléchie de la nature et de ses hiérarchies, dont nous présumons être au sommet.
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Divisé en quatre chapitres, du printemps à l’hiver, Coucher de soleil Sasquatch commence littéralement là où se termine la séquence de Patterson-Gimlin, sauf avec quatre Sasquatches au lieu d’un. Deux d’entre eux semblent former un couple — Eisenberg et Keogh — mais alors qu’ils s’accouplent dans les bois, ils attirent l’attention d’un mâle alpha (Nathan Zellner) et de son fils (Christophe Zajac-Denek).
Les quatre deviennent une tribu, communiquant avec les grognements et triangulant où ils se trouvent en battant des rythmes primitifs sur les arbres. Ils mangent des buissons, des baies et des champignons psychédéliques et s’expriment librement, tels les Télétubbies rabelaisiens, affichant toutes les fonctions corporelles que les êtres humains cherchent à supprimer. Et comme on peut s’y attendre d’un tel film animalier, il y a un véritable sentiment de péril qui porte ses fruits de manière très inattendue et vraiment très émouvante.
Il faut un peu de temps pour réaliser qu’il n’y aura pas de dispositif de cadrage – à prendre ou à laisser, c’est leur monde – et juste au moment où il semble ne mener nulle part, le mince vestige d’intrigue du film entre en jeu. Le premier indice est des bois tombés, peints à la bombe avec un X rouge, la seconde est une route artificielle, qui suscite une triple prise très amusante (un clin d’œil évident au mime Marcel Marceau, dont le travail a apparemment été une pierre de touche majeure lors des répétitions). Se rapprochent-ils de la civilisation et seront-ils enfin exposés ? La tension devient tout à fait palpable ; dans un écho de Planète des singes et sa célèbre fin, on a le sentiment que les Sasquatches entrent dans une zone interdite à leurs propres risques.
D’une manière étrange, Coucher de soleil Sasquatch forme une trilogie décalée avec les deux derniers films des Zellner, Kumiko la chasseuse de trésor (2014) et Demoiselle (2018), poursuivant la fascination du couple pour les road movie folkloriques qui portent davantage sur le concept de recherche que de découverte.
Cette fois, cependant, une part plus importante du travail est réalisée par le déploiement de plus en plus sophistiqué par le duo de la partition du groupe expérimental « indietronica » texan The Octopus Project, et d’une bande sonore qui commence comme le genre de musique de synthétiseur celtique abstraite que vous pourriez entendre. tout en bénéficiant d’un massage aux pierres chaudes New Age, puis se transforme en free jazz et même en pop des années 1990, ce qui donne lieu à une scène mémorable qui suggère que, contrairement à la croyance populaire, la musique a un effet positif sur la musique. pas apaisez toujours la bête sauvage.
Il est donc remarquable que l’écrivain et coréalisateur David Zellner ait écrit la chanson de clôture «Creatures of Nature», chantée par Keough et comportant le refrain: «Les créatures de la nature s’en fichent si vous les aimez». Quoi qu’ils soient, le Sasquatch non plus. Mais 90 minutes en leur compagnie insondable et sans vergogne sont bien plus amusantes que ce à quoi on pourrait raisonnablement s’attendre.
Titre: Coucher de soleil Sasquatch
Festival (Section) : Sundance (Premières)
Distributeur: Rue Bleecker
Directeurs: David Zellner, Nathan Zellner
Scénariste : David Zellner
Casting: Jesse Eisenberg, Riley Keough, Christophe Zajac-Denek, Nathan Zellner
Durée de fonctionnement : 1h30